Mennucci, un fils de pub marseillais

Beaucoup de bruits pour rien. Chers lecteurs de « Marseille, un autre regard », notre blog amateur fait le buzz ces dernières 24 heures au sujet d’un article publié dimanche matin et enlevé de nos colonnes quelques heures plus tard. Il s’agissait d’un papier, sans méchanceté aucune, qui cherchait à dresser le portrait de Patrick Mennucci. Pour information, ledit article a été publié par erreur, c’était un premier « jet », non encore relu et corrigé. C’était sans compter sur la dextérité et l’appétit de ceux qui répercutent plus qu’ils ne cherchent à comprendre ou à  informer.

Ainsi donc, un blogueur bloguant plus vite que son clavier aurait commis un meurtre par procuration informatique !  A la manière d’un mauvais rapport de police, sous tendu par une vision éminemment populiste de la toile, l’article lâche en pâture un nom qui aurait cherché à transformer son clavier en arme du crime.

Cette vision de la réalité et cette lecture de « Marseille, un autre regard« , qui ne fonctionne pas avec la meute (est-ce une défaut?), nous rappelle une image du temps jadis, quand la télé n’avait pas fait du spectacle son pain quotidien. Un journaliste mettant face à face Jean Marie Le Pen et Bernard Tapie avait cru bon de dégainer de son bureau une paire de gants de boxe. « Mise en scène », affirma-t-il plus tard, penaud.

Ceux qui s’inventent ces guerres pichrocholines mettront-ils les mêmes mots en page demain. Ou feindront-ils de croire qu’aussitôt écrit, aussitôt effacé, pour le bonheur d’une mise en scène qu’ils réalisent besogneusement? Le web, Marseille et notre démocratie, méritent mieux que ces gants de boxe, ces vaines rumeurs.

Comme un fait entendu, Dominique Wolton, directeur de l’Institut des sciences de la communication du CNRS, stigmatisait samedi dans Libération les dérives populistes du Net : « sans une séparation vigoureuse, y compris sur Internet, entre vie publique et privée, on risque d’aboutir à une logique de dénonciation, de corbeau. »

Car enfin, il n’a jamais été question pour nous de tuer qui que ce soit et encore moins Patrick Mennucci mais de rappeler des faits au moment où le directeur de campagne de Michel Vauzelle déclarait récemment à La Provence être candidat aux prochaines législatives. La politique est l’art du « coup d’après », mais nous trouvions cela prématuré et peu respectueux pour les électeurs. Ni plus, ni moins.

Alors voilà l’article en question, revu et (légèrement) corrigé :

« Y’a un problêême? Je ne vois pas de problêêmes, donc Y’a pas de problêêmes ! » Usant volontiers des syllogismes, Patrick Mennucci est un pur produit de la classe politique marseillaise. Il en connaît toutes les arcanes. De l’inextricable appareil socialiste national aussi. Volontiers gouailleur, charmeur, intelligent, provocant, fin à ses heures, c’est aussi un bulldozer qui passe souvent en force.

Pourtant, on perçoit la sensibilité sous la solide carapace et la voix de stentor. Un romantique qui sait ? C’est d’abord un homme politique qui aime le pouvoir. « J’ai fait l’école du vice » répète-t-il à l’envi, à savoir celle du Mouvement des Jeunes socialistes, sans se départir de son large sourire.

Rien d’irréprochable, bien des hommes politiques ont cette tare. On ne fait pas de la politique par hasard, le désir d’être aimé et reconnu en est sûrement l’un des moteurs communs. Les psychanalystes, les philosophes et tous les sages le discerneraient bien vite. Reste que certains élus sont plus humbles, plus pragmatiques aussi.

Parler, haut et fort, mais parler

Le parcours politique du maire des 1er et 7e secteurs de Marseille est, pour l’heure, uniquement fondé sur l’art, parfaitement maîtrisé, du parler haut et fort. Une omniprésence presque sarkozyste dans les médias.

Chaque jour décline une idée, une volonté, une colère, une pétition, une répulsion, un bon mot… Mais la praxis, l’acte posé, le concret, le pouvoir d’agir sur la vie de ses concitoyens, fondement même de l’engagement politique, sont aussi minces que les discours ont besoin de mégaphones pour exister.

Pour cela, le leader de l’opposition au Conseil municipal de Marseille a besoin d’un mandat digne de son aura. Le récent débat sur France 3 Méditerranée entre le directeur de campagne de Michel Vauzelle (PS) et le député UMP de la 3ème circonscription du Vaucluse, Jean-Michel Ferrand, le 6 février dernier est, à ce propos, très éloquent.

Ses tentatives infructueuses sont souvent risquées, mais qui ne tente rien n’a rien. Surtout en politique. Comme celle de se présenter en 2002 dans la circonscription de Guy Hermier (PCF), dans les quartiers Nord, fief de l’icône marseillaise récemment décédée, aimée de tous (et même du maire de Marseille, J.-Cl. Gaudin), contre l’avis des socialistes marseillais mais avec l’aval de la rue de Solférino. Scandale sur les rives du Lacydon.

En conséquence de quoi toutes les figures du PS 13 démissionnent du bureau national du Parti socialiste : Jean-Noël Guérini, Michel Vauzelle, Sylvie Andrieux et même son suppléant, Henri Jibrayel ! Peur de rien disions-nous, il avait pourtant pris la peine d’appeler la veuve de Guy Hermier en lui promettant monts et merveilles… Pas question ! Mais il aura tenté. Un an avant pour les cantonales, sur les mêmes terres, il glissait un : « Si Guy n’était pas mort, jamais je n’aurais osé… »

Rappelons le contexte : dans ce fief communistes des quartiers nord où le Front national avait recueilli 31% des voix au premier tour des législatives en 1997 et 41,6% au second en duel avec le communiste Guy Hermier, réélu depuis 1978. Jean-Marie Le Pen y avait réussi son deuxième meilleur score au second tour de la présidentielle, le 5 mai 2002, avec 31,39% des suffrages. Le leader de l’extrême droite avait même qualifié, le 22 mai, de «très bonne nouvelle» pour le FN l’annonce de la primaire à gauche…  Résultat ?

Le candidat socialiste fait 17,96% et le Front National 24,44%, pas de quoi être présent au second tour, le FN oui. Frédéric Dutoit (PCF) l’emporte avec 64,8% au second tour, coupant court aux velléités nationalistes… Sans le PS ! Un cauchemar. Le stratège a eu une courte vue, comme aux cantonales, un an plus tôt.

Un homme politique se doit d’être insubmersible pour exister. Boire la tasse n’est qu’un passage, un souvenir sur lequel il convient de ne pas s’appesantir. Au mieux, on s’en nourrit. Il donne aussi l’image d’un homme  courageux qui dit et démontre qu’il n’a peur de rien ni de personne.

Mennucci devient Ségolin
Autre étape importante. Les présidentielles, Patrick Mennucci profite d’un concours de circonstance pour s’imposer dans le cercle proche de la candidate PS, Ségolène Royal. Il ne la connaissait pas beaucoup. La magie opère. Sa force. Sa faiblesse. Comme toujours radical, il impose ses choix, notamment stratégiques, sur les « vieilles badernes » socialistes. Il n’a pas tort.

Embringué dans l’équipe de campagne, l’homme oublie ses racines, il fait partie du premier cercle de la candidate. Une chance de vie? Rien que de très compréhensible. On connait le résultat. Là aussi une défaite, la troisième consécutive pour le PS. Le sourire et l’enthousiasme de « sa » candidate, n’y changeront rien.

Occasion pour le vice-président du Conseil Régional de la région Paca de reprendre la main locale. Voilà qu’il faut choisir un candidat socialiste non pour battre mais pour « inquiéter » Gaudin, le maire sortant de Marseille, lors des municipales de 2008. Il se range assez vite aux côtés du seul candidat possible, celui qui fait l’unanimité à gauche : Jean-Noël Guérini. Il en deviendra son zélé directeur de campagne.

Le soir des résultats, malgré l’échec de la tête de liste, il sourit déjà… Battu sur le fil lors des législatives face au peu charismatique Jean Roatta et bénéficiant de la dynamique des listes « Faire Gagner Marseille » qui voit la gauche progresser dans tous les secteurs, il est élu au cordeau, face au même Jean Roatta.

Ému, c’est la première fois qu’il est élu avec son nom sur l’affiche. Il était néanmoins candidat dans un collectif qui avait séduit un grand nombre de Marseillais, certes minoritaires. Être élu sur son seul nom et, de préférence, avec un mandat national en poche, est une question de crédibilité pour lui désormais.

Un avenir à écrire
Drayiste avant hier, Royaliste hier, Peilloniste aujourd’hui, quels choix fera l’apparatchik Mennucci en vue des prochaines échéances nationales?

Étonnamment, en pleine élection des régionales, alors qu’il est directeur de campagne de Michel Vauzelle, il se fend d’une confidence dans une interview à la Provence où il déclare être candidat aux prochaines législatives. Manière de prendre les devants et de se positionner alors que la question ne semble pas d’actualité.

Ce n’est pas illégitime, mais pourquoi le faire aussi brutalement et si tôt, en pleine campagne ? Bien d’autres perspectives sont pourtant possibles : pourquoi pas une candidate ? Une alliance avec les Verts ? Tout l’art de l’homme ou de la femme politique est de savoir préparer un avenir collectif…

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