La décision de François Bayrou est tombée : le chef de file du MoDem pour les municipales de Marseille sera Jean-Luc Bennahmias. Ce que nous pressentions depuis quelques semaines, autant dire depuis que le député européen ex-Vert devenu Orange avait été nommé dans le staff national du leader centriste, plus précisément à la commission nationale des investitures du Modem, a été finalement préféré au président de l’UDF 13, Jacques Rocca-Serra. Après des mois de calages, de tergiversations, de luttes intestines plus ou moins fraternelles, de sondages et d’enquêtes de notoriété, les anciens de l’UDF, les nouveaux du MoDem, ont enfin une tête de liste clairement identifiée.
Pour autant, le tout jeune parti, créé en début de mois par le 3ème homme de la présidentielle, ne part pas uni à Marseille, c’est le moins que l’on puisse dire. Les réseaux travaillés depuis des années dans les arcanes de tous les pouvoirs par Jacques Rocca-Serra, l’homme de toutes les majorités (Defferre, Vigouroux, Gaudin), ne suivront pas forcément l’ancien trublion écologiste, loin s’en faut.
Plus avant, ce sont bien deux cultures et deux conceptions politiques différentes qui étaient en guerre ouverte depuis des mois. L’une, celle de Bennahmias, honnêtement autonomiste entre Gaudin et Guérini, l’autre, celle de Rocca-Serra, officiellement en selle pour soutenir J.-C. Gaudin au deuxième tour des élections municipales. Et pour cause, ce dernier est actuellement son maire-adjoint aux relations internationales, aux transports (dont la RTM) et à la Maison de l’artisanat.
Une aubaine pour Guérini !
Le choix de Bayrou est donc une aubaine pour Jean-Noël Guérini, patron du Conseil général des Bouches-du-Rhône, qui voit le parti charnière des prochaines municipales, celui qui fera sans nul doute basculer ou non la majorité, s’éloigner des urnes de Jean-Claude Gaudin. Reste à savoir désormais si le Modem, qui a fait des scores à 2 chiffres dans les arrondissements du centre de Marseille lors des dernières élections législatives, suivra Bennahmias déjà vendu par les proches de Rocca-Serra comme un parachuté si loin des préoccupations locales. Ou si, à l’inverse, les fidèles de Rocca-Serra, suivront leur réflexes conditionnés de ralliement à l’UMP au 2ème tour. Là est la clef du scrutin.
Pour l’heure, Bennahmias est très satisfait : « Je lancerai ma campagne le 15 janvier, nous avons le temps. D’ici là, nous devons installer les structures nécessaires. Tous ceux qui ont participé à la construction du MoDem sont les bienvenus, y compris Jacques Rocca-Serra… » Déclarait-il, jeudi dernier, dans les colonnes de La Provence. Le perdant, Rocca-Serra, ne l’entend pas de cette oreille et était, naturellement, furieux en apprenant la nouvelle : « Bayrou ne m’a même pas appelé. Je suis terriblement déçu. C’est injuste car c’est nous, les UDF, qui avons bossé pour [lui] depuis des années. Je croyais que les Béarnais avaient, comme les Corses, la reconnaissance du ventre. C’est malhonnête car je suis largement en tête du sondage de notoriété. Les Marseillais ne feront pas confiance à un parachuté ». Comment pouvait-il en être autrement ? Nous sommes bien-là au coeur de la fin d’un système stygmatisé par Bayrou lui-même durant la présidentielle, le système claniste du ventre, du service rendu avec retour d’ascenseur.
Rocca-Serra, la rancoeur tenace…
Logiquement, ce choix ne manque pas d’irriter l’Hôtel de Ville, qui doit singulièrement changer sa stratégie même si Jean-Claude Gaudin prétend toujours ne pas être en campagne. Le quarteron de fidèles UDF au maire sortant ont réagi d’une seule voix, comme Yves Moraine (Conseiller municipal UDF) : » Trahison ! » ou Maurice Di Nocera (par ailleurs candidat à son renouvellement de Conseiller général UDF) : « deux listes de gauche vont s’affronter, celle de Guérini et de Bennhamias! » Si, au niveau national, les choses deviennent limpides, les baronnies locales craignent de perdre le peu de pouvoir qui leur reste. Le Béarnais avait prévenu, il prendrait tous les risques pour imposer son « autre » vision de la politique. Force est de constater que c’est chose faite à Marseille.
La rancoeur tenace, Rocca-Serra qui avait pourtant prétendu être fermement favorable à des listes autonomes dès le 1er tour semble déjà changer son fusil d’épaule et déclarait vendredi dernier : « Nous allons réfléchir. Soit on participe aux listes MoDem, soit on constitue nos listes centristes, soit nous faisons alliance dès le 1er tour (avec l’équipe Gaudin). Mais nous ne quitterons pas le MoDem car la ligne d’indépendance nous plaît ». Comprenne qui pourra, l’art du sophisme est très compliqué dans cette configuration et semble avoir été réglé par un Bayrou lucide. La fin du grand écart…