A neuf mois des élections municipales de Marseille, la vie politique est comme en apesanteur. Elle est confrontée à une double énigme : la menace de l’usure pesant sur l’équipe sortante et l’illisibilité de la stratégie politique à gauche. Les choses devraient certes se décanter dès les premiers jours de juillet où Jean-Noël Guérini devrait se déclarer ou pas sur son cas personnel. Quand bien même, cette clarification faite, les données du problème ne seraient guère modifiées.
Pour des raisons simples. Jean-Claude Gaudin, au-delà même de son bilan, que les uns trouveront bon et les autres bien maigrelet, amorce le dangereux tournant de la troisième mandature. Ce tournant en épingle est généralement le plus dangereux. C’est à cet endroit que l’on récolte soit les fruits de son investissement ou au contraire l’addition des illusions perdues. S’il peut se targuer de résultats probants en matière de chômage, avec une réduction de dix points en l’espace de douze ans (la question de savoir quelle part Gaudin a pris dans cette réussite sera tranchée par les experts), le maire de Marseille peut baisser les yeux sur trois sujets qui vont lui pourrir la vie : le logement, la saleté de la ville et les transports en commun.
Derrière le paravent commode du fameux incivisme marseillais (il est certain que si l’on ne fait rien pour changer les choses, elles resteront en l’état, voire empireront…), la saleté de la ville que les caméras de Plus belle la vie évitent, progresse. Sur le logement, il est clair que le maire n’est pas responsable de la flambée des prix. Mais il dispose d’une arme absolue pour parer aux pires dérives : la signature des permis de construire, l’inscription d’un quota de sortie d’un pourcentage de logements sociaux sur chaque opération immobilière. Nous n’appartenons au Jurassik Park de la gauche messianique, nous comprenons parfaitement que les cols blancs, vecteurs de développement économique pour une ville qui en a besoin, ont besoin de se loger sur la ville. Mais comment accepter l’idée que les attentes de la population, du Rmiste au col blanc, ne fassent pas l’objet d’une réponse ajustée. Quant aux transports collectifs, les fanfares grégaires autour du tramway redondant qui permettront aux élus UMP de figer quelques instantanés pour leurs clichés électoraux ne trompent que les émotifs : la priorité des priorités, c’était d’abord l’achèvement de la L2 puis le prolongement des lignes de métro. Mais il est vrai qu’un joli tramway, ça en jette sur le papier glacé…
Au-delà d’un bilan facilement contestable, le maire est confronté à l’usure de sa dream team : Guy Teissier est au bord de la crise de nerfs et ne se prive pas, dès qu’il le peut, de dire tout le bien qu’il pense de l’action de « la mairie du Vieux Port » ; depuis sa campagne régionale ratée en 2004, Renaud Muselier rame pour retrouver son aura de dauphin (il se murmure que sur le sujet, Bruno Gilles, son ami « fidèle », présente une analyse très fine de la situation en cercles fermés…) ; et Roland Blum, le fidèle bédouin, ne colle pas aux particularismes cako-pagnolesques de la communauté marseillaise (vous croyez sans doute que nous cédons à une méchante exagération mais nous vous promettons, le doigt sur le click, que, dans les incubateurs politiques marseillais, cette notion de « marseilleïté », difficile à définir car scientifiquement fragile, est débattue. Pour aller vite, un intello qui aurait le malheur d’avoir quelques compétences et une tête épousant les formes de l’œuf giscardien serait voué au crash à Marseille). Bref, s’il veut rejoindre la présidence du Sénat, Gaudin doute des capacités de ceux qui peuvent prendre le relais.
A gauche, on attend donc la fumée blanche du côté du vaisseau bleu du Conseil général. Ira-t-il ? N’ira-t-il pas ? Guérini se tâte, consulte, numérote ses abattis. Dans le cas contraire, Sylvie Andrieux tiendrait la corde, Patrick Mennucci étant l’outsider de luxe. Mais pour quelle politique ? Où en est le comité d’experts mis en place par le Parti socialiste ? A-t-il trouvé sa légitimité ? Entraînera-t-il la dynamique tant espérée ?
L’électorat de gauche marseillais, dont on dit que les bobos penchent plutôt Modem que Guérini, est confronté à plus de questionnements que de certitudes. Les choses évolueront, bien sûr ; le débat aura lieu, bien entendu ; quelle intensité atteindra-t-il ?
L’heure est à l’été, aux cigales, propices à l’assoupissement. Le grand dévoilement des cartes est prévu pour début septembre.