Les états-majors politiques marseillais ne manqueront pas d’analyser à la loupe les résultats de l’élection présidentielle.
Le plus instructif est d’établir une comparaison entre les deux premiers tours des élections de 2002 et de 2007, les deux deuxièmes tours n’ayant pas valeur comparative du fait de la présence inattendue de Jean-Marie Le Pen (sauf si ce dernier avait été présent une nouvelle fois en finale en 2007).
J’ai procédé de la sorte : les scores des quatre partis forts (UMP, PS, FN-MNR en 2002 puis FN seul en 2007, et UDF) ; j’ai réuni sous une même bannière l’autre gauche (PT, PRG, Verts, PC, MRC, LO, LCR en 2002, LCR, LO, PC, Verts, Schivardi soutenu par le PT, Bové en 2007) et l’autre droite (Lepage, CNPT, Boutin, Madelin en 2002, De Villiers, CNPT en 2007).
Voici les résultats significatifs de ces deux premiers tours :
UMP : 18,21% (2002), 34,25 % (2007), soit : + 16,04 %
PS : 15,58% (2002), 27,11% (2007), soit : + 11,53%
UDF : 5,54% (2002), 14,1% (2007), soit : + 8,56%
FN : 27,60% (2002), 13,43% (2007), soit : – 14,17%
L’autre droite : 8,11% (2002), 1,73% (2007), soit : -6,38%
L’autre gauche : 24,85% (2002), 9,38% (2007), soit : -15,47%
L’addition des déperditions de voix FN et « autre droite » s’établit à 20,55 %. Ces voix se sont reportées à la fois sur Nicolas Sarkozy et François Bayrou. Il est à noter que le total des déperditions de voix de l’autre gauche (- 15,47 %) est plus élevé que la progression de Ségolène Royal par rapport au score de Lionel Jospin (+ 11,53).
On peut donc en déduire que des voix socialistes mais aussi des voix chevènementistes (pas celui du refus de l’Europe mais celui de l’autoritarisme républicain) ont gonflé la voilure de François Bayrou.
Les porosités les plus marquantes, à savoir le défaut d’un transfert presque égal, se situe donc entre le PS et l’autre gauche d’une élection à l’autre. Au premier tour, il a manqué 4,6 % des voix de l’autre gauche 2002 à Ségolène Royal, ce qui explique au final l’ample score de Nicolas Sarkozy au second tour (55,72 % contre 44,28 %).
Autre analyse : le report des voix de François Bayrou. En additionnant les voix de l’UMP, du FN et de l’autre droite au premier tour, on arrive à 49,43 % pour Nicolas Sarkozy, sachant qu’il s’agit d’un calcul global ne prenant pas en compte le niveau de l’abstention du FN et de l’autre droite au second tour.
Pour arriver à 55,72 %, Nicolas Sarkozy aurait récupéré 6,29 % des voix de François Bayrou sur les 14,1 % du premier tour. Ce qui laisse 7,81 % à Ségolène Royal et à l’abstention des voix UDF. Cette déduction est rendue plausible par l’examen des reports de voix à gauche.
L’addition des voix du PS et de l’autre gauche au premier tour s’établit à 36,49 %. Pour parvenir à 44,28 %, en supposant que Ségolène Royal ait très peu repris au FN et à l’autre droite, elle aurait donc repris 7,89 % à François Bayrou (un chiffre très proche des 7,81 que nous avons calculé).
Plusieurs enseignements s’imposent au final : l’UMP a plus progressé de 2002 à 2007 que le FN a reculé (+ 16,04 contre – 14,17). Ce qui signifie donc qu’il a récupéré des voix ailleurs, près de 2 %, sans doute auprès de l’autre gauche.
Même s’il a progressé, le PS n’a pas réussi à capter la totalité des déperditions de voix de l’autre gauche (- 4,6 %), ce qui tend à penser que le vote utile a peut-être joué aussi en faveur de… Nicolas Sarkozy.
Les études, plus sérieuses que celle-là, ne manqueront pas d’établir l’existence d’un corps électoral de plus en plus mouvant, consumériste, et dont on peut considérer que son choix s’est massivement porté sur le candidat de l’UMP.
L’imprévisibilité nouvelle du corps électoral va certainement s’accentuer dans les prochaines années. De quoi apporter de l’eau au moulin des pragmatiques et des réformateurs face à ce qui pourrait apparaître comme la fin des idéologues et des révolutionnaires ou, plus encore, la fin des clivages marqués ?