La métropole marseillaise, ça se danse à petits pas

C’est un des sujets à la mode. Depuis que le gouvernement Fillon a lancé en 2009, dans sa réforme territoriale, le terme de « métropole », le mot est sur toutes les lèvres, accommodé à toutes les sauces locales : mayonnaise, aigre-douce, aïoli ou pimentée… chacun à son goût.

Le débat sur la grande métropole marseillaise a déchaîné les passions et souvent fait le grand écart, variant entre le statu quo ante et une gigantesque Marseille rêvée à voix haute par Renaud Muselier. Celle-ci s’étendrait des rives du Lacydon jusqu’aux torchères de Feyzin, au sud de Lyon, englobant toute la vallée du Rhône. Ambitieux.

Hormis le sempiternel concours politique marseillais de ceux qui prétendent avoir eu l’idée en premier, pas franchement constructif (mais qui permet d’apparaître dans la presse), une alternative crédible semble voir le jour : une union de projets réunissant toutes les intercommunalités départementales.

Elle est impulsée par le Président du Conseil général, Jean-Noël Guérini. Même si les contours sont encore flous, et si elle écarte de facto, pour l’instant, Toulon, au moins a-t-elle le mérite d’avoir réuni autour d’une table, qu’ils soient de droite ou de gauche, tous les patrons des dites intercommunalités. Mieux encore, après des heures de négociations (qui cachent mal à l’arrivée la défense du pré carré de chacun) une déclaration commune a été publiée et présentée à la presse. Un début concret de partenariat? Affaire à suivre…

C’est pourtant un fait au moins verbal : tous les élus locaux souhaitent que Marseille devienne une grande métropole internationale, capable de rivaliser avec Barcelone, Rotterdam voire (rêvons plus loin que M. Muselier) la mégalopole du moment, son alter ego asiatique, devenue le nouveau centre portuaire du monde : Shanghai (Chine).

Pourquoi pas ? Toutes ces villes sont des ports internationaux et la cité phocéenne ne manque pas d’atouts dans cette lutte concurrentielle acharnée. Non plus que des handicaps, nombreux, et pas seulement économiques. Alors, Massalia l’insoumise, carrefour méditerranéen et porte de l’Orient d’antan, saura-t-elle se dépasser dans l’unité? Au fond, a-t-elle vraiment le choix ?

Des atouts indéniables

On le sait, Marseille est la plus ancienne des villes de France. Elle dispose d’importantes infrastructures portuaires qui en font encore le premier port de France. Pour combien de temps ?

Elle bénéficie néanmoins aujourd’hui d’au moins deux grands projets structurants de portée internationale : l’opération « Euroméditerranée » qui va requalifier au moins 30% de son territoire et Marseille-Provence 2013, capitale européenne de la culture, sans oublier plusieurs événementiels d’ampleur dont le Forum mondial de l’eau.

On peut continuer à en sourire ou fulminer contre son enlisement, sport typiquement marseillais, reste que voilà deux projets qui devraient dynamiser son image et son développement international s’ils sont menés à terme dans de bonnes conditions. On est encore loin du compte.

Pourtant, les acteurs politiques ont appris depuis deux ans à se parler et à travailler ensemble. Assurément contraints depuis l’élection surprise d’Eugène Caselli (PS) comme président de la Communauté urbaine de Marseille, mais aussi par la crainte commune de la rigueur budgétaire annoncée par le Gouvernement.

C’est ensemble qu’ils ont fait de Marseille la future capitale européenne de la culture. L’union sacrée capable d’exister à Paris, Lyon ou dans la plupart des capitales régionales européennes pour défendre des intérêts supérieurs est encore une culture politique à acquérir ici. Et lorsqu’elle fonctionne, on s’en étonne encore. La prégnance politique est bien trop marquée, et la rancœur tenace.

A l’inverse, Marseille, la centriste, la defferrienne, l’anti-communiste acharnée d’après-guerre, sait négocier, mais souvent sous cape et donne le change pour la vox populi. Si les responsables politiques prennent l’habitude de se mettre autour de la table pour discuter et avancer, ce ne sera pas une évolution, mais bien une révolution ! Révolution nécessaire pour l’avenir de notre région.

Une ville-centre isolée, une métropole éclatée

En effet, les Roncayolo, Morel, Langevin et autre Boulesteix le répètent sans cesse depuis plus de 20 ans : Marseille ne peut pas exister au niveau international sans créer des partenariats forts avec son hinterland naturel.

Vu de l’extérieur, de Californie, du Japon ou d’ailleurs, Aix, Marignane, Martigues ou Aubagne, c’est Marseille. Fos, c’est Marseille. Protis et Gyptis ont fondé une ville-étape qui au fil des siècles est devenu un port puissant, mais cela ne suffit plus aujourd’hui. A trop confondre son port avec un nombril, à trop regarder vers la mer, Marseille a laissé se développer les opportunités terriennes dans son dos.

Elle est aujourd’hui dépendante de pôles stratégiques de vie et de travail en expansion (Aix, Aubagne, Fos, Gémenos-Rousset, Cadarache, et d’autres encore). Avec 119 communes et 9 intercommunalités dans les Bouches-du-Rhône, qui ont chacune leur expression politique, Marseille n’a pas toutes les cartes en main pour assurer son rayonnement international.

C’est une capitale isolée dans une métropole éclatée, dont les différents pôles sont mal reliés entre eux et avec la ville-centre, à la fois en termes d’infrastructures et de transports collectifs.

Marseille ne peut faire autrement que de composer politiquement avec ses partenaires, communes et intercommunalités. Même s’il est évident que personne ne veut d’une métropole imposée par le haut, espèce de monstre politique aux pouvoirs exorbitants, chacun a forcément conscience que le décollage (tardif, mais nécessaire) de Marseille aurait des retombées bénéfiques pour tous…

Une chance historique pour Marseille

La solution tient dans une approche participative, collective, de coopération entre les différentes zones d’emploi et de développement de l’aire métropolitaine.

Dans un monde où la logique de réseaux est exacerbée par le développement des nouvelles technologies, les élus locaux redécouvrent les vertus du travail en commun. C’est une occurrence historique qu’il ne faut pas laisser passer. Depuis le début de l’année 2010, Jean-Noël Guérini et Eugène Caselli, appellent à une grande « métropole multipolaire de projets », sur le modèle que développe Gérard Collomb à Lyon.

Il s’agit de mettre autour de la table les décideurs politiques, de rechercher des thématiques d’intérêt général et de les décliner en mutualisant les compétences et les financements. Ce seraient alors les projets communs qui feraient la métropole, et pas l’inverse : de la métropole de projets à un projet de métropolisation il n’y aurait alors qu’un pas.

Mais le gouvernement est prévenu : sur les rives du Lacydon, la métropole est comme la valse marseillaise, elle se danse à « petits pas »…

Poster un commentaire

Classé dans capitale européenne de la culture, Culture, Economie, Général, international, Les grands projets, Marseille-Provence 2013, Politique, Pour vous faire votre opinion, Transports

Laisser un commentaire