Marseille : la meilleure réponse au débat sur l’identité nationale du président Sarkozy ?

symboles républicainsQu’est-ce qu’être Français ? La question est posée, dans sa version online, sur un site Internet du ministère de l’immigration, de l’intégration, de l’identité nationale et du développement solidaire, dédié au grand débat sur l’identité nationale.

Mais à Marseille comme ailleurs, l’aïoli ministériel ne prend pas. Pourquoi? De deux choses l’une.

Soit la ficelle politique élyséenne est trop grosse, et elle l’est assurément, à la veille des élections régionales. Et l’on tombe dans le panneau. Ce n’est pourtant pas la première fois, du reste, que l’exécutif la brandi. Elle sent d’ailleurs un peu l’usure, voire le souffre, même bien huilée. Avec peu de buzz sur la toile, entre-nous soit-dit. Échec , pour l’heure…

Soit elle a un semblant d’honnêteté, comme le Président Sarkozy s’est attaché à le démontrer hier dans la Drôme. et son « je souhaite un débat nécessaire mais pas de Burka !  » est nul et non avenu. Pourquoi? D’abord parce qu’il impose une limite, donne les réponses avant les questions et mesure le champ de et par lui même.

Si son désir est de définir la notion du  français moderne que nous sommes, tel qu’il nous rassemble, est légitime, voire salutaire, alors pourquoi le diriger à priori ? Cela dit il impose la limite  : la Burka (là où on le rejoint bien volontiers).

Mais il souhaite un dialogue national non ? Ce faisant, il fait ouvrir un site Internet dans lequel, tous les commentaires qui ne sont pas Sarko-compatibles sont systématiquement modérés… Ledit débat est très mal parti ! On pressent-là un exercice de communication purement électoraliste.

Plus encore, le Président postule que l’identité nait de la différence. Bon, peut-être, à voir, assurément, qui sait ? Les Marseillais, qui vivent l’altérité des origines au quotidien, plus fort ici qu’ailleurs, seraient plus que quiconque légitimement fondés à ne pas laisser aux seules élites parisiennes le soin de se demander ce que c’est que d’être français aujourd’hui. Peut-être se sentent-ils plus Marseillais que Français ? Un vrai sujet…

Pour autant, les questions identitaires liées à l’enracinement de la population locale à son territoire national, régional ou communal, demeurent plus que jamais d’actualité. [Pourtant, et il convient de le dire, 10 à 15 000 supporters de l’équipe nationale algérienne de football, très majoritairement français, présents sur le Vieux port de Marseille, le 18 novembre dernier, en témoigne, avec les excès que cela génère quasi systématiquement désormais : 15 gardes à vue, des vitrines brisées rue de la République (slurp..) , des bateaux brûlés, de nombreuses interventions de pompiers… Alors qu’en revanche la victoire de l’équipe de France, certes douteuse, le même soir à 3 heures près, n’a vu personne ou presque aux abords du Lacydon. Très questionnant… Le défilé des voitures  aux couleurs algériennes, drapeaux brandits avec fierté pose certainement questions : l’appartenance identitaire, a ce moment-là était nettement outre-méditerranéen, là où, pour la plupart de ces gamins, ils n’avaient jamais mis les pieds…]

La construction de la grande mosquée de Marseille est, peut-être, qui sait ? Un élément de réponse sage. Ne pas avoir peur. Mais être naturellement fier d’être français. Voire heureux de vivre ensemble, d’où que l’on vienne, qui que l’on soit. Républicain en somme…

La République française proposait avec fierté au monde la conjonction du Jus soli et du Jus sanguinis, autrement dit le droit du sol et du sang. Se fondant sur la force de ses valeurs universalistes : tout être humain peut devenir français s’il adhère aux dites valeurs. C’est là que bât blesse. Les valeurs… Quelles étaient -elles ? l’égalité, la probité et la justice. Plus tard, l’égalité, la fraternité, et la valeur universelle, la liberté.

Le débat sarkozyste semble pipé : ce n’est pas sur l’identité nationale que le débat devrait être engagé mais sur les valeurs républicaines non négociables : comment vit-on ensemble ? La nation en somme…. Autrement dit, pas ciblé sur l’individu, mais sur la volonté du citoyen d’adhérer à ces valeurs pour faire partie du projet républicain, être un membre de l’unité nationale.

L’enjeu n’est pas le débat présidentiel mais comme l’a toujours fait la « Laïque éducative » de se ragaillardir, tout comme, du reste, l’enseignement « libre et privé ». Peut-être serait-il plus efficient de moins se préoccuper de ses seuls avantages dans un syndicalisme si puissant qu’il devient résistant à toute réforme.

Certes, c’est de moins en moins vrai. Certes, être en face-à-face avec 30 voire 35 élèves très informés, de plus en plus autonomes, n’est pas chose facile. C’est un vrai défi, incroyablement difficile même. Mais si nos élèves, les enfants de la France d’aujourd’hui, n’entendent pas, et c’est trop souvent le cas, les fondements de nos règles de vie, républicains, alors point de salut ! Si débat il doit y avoir, si révolution doit s’opérer, il est là… Et il s’appelle Education !

Poser les fondements du débat sur la Burka, aussi détestable soit-elle, c’est déjà répondre à la question et, de fait, démontrer que le débat n’est pas ouvert, ni objectif.

Marseille, une réponse au débat présidentiel ?
De l’Estaque aux Goudes, un autre exemple, sûrement plus léger, traduit l’attachement identitaire des Marseillais pour leur cité. D’abord Marseille est un port, où tout le monde vient d’ailleurs, mais où tout le monde, plus ou moins simplement, doit apprendre à vivre ensemble. C e n’est pas simple et c’est toujours compliqué. Cela dit, cela se fait. Quelles que soient les générations.

Bien mieux qu’à New-York du reste. Pourquoi ? Les mariages inter-raciaux, comme on le dit aux États-unis, sont de 6% dans la Big Apple, depuis 15 ans, et ont tendance à se stabiliser, même depuis l’élection d’Obama. Ils sont du plus du double à Marseille, 12,3%.

Tardivement française au regard de l’histoire et souvent hostile à tous les pouvoirs centraux, Marseille, sous le règne du Roi Soleil, était hostile à Versailles. Ici, le pouvoir, était plus démocratique qu’ailleurs. Comme à Venise, les « commerçants » (propriétaires des lignes de navigation et de négoce) formaient un collège qui dirigeait, par élection, la ville. Ledit collège n’était pas très ouvert, loin s’en faut, du moins était-il élu par les pairs.

Louis XIV en était horripilé au point de mettre son portrait bouffi et vieillissant sur la façade de l’Hôtel de Ville pour montrer qu’il en était le chef. Le portrait demeure, tout comme le Fort St Nicolas dont les canonnades n’étaient pas destinées à protéger la ville des assaillants, mais de soumettre ses habitants… A payer l’impôt.

Ces rappels historiques sont si forts qu’ils semblent être d’actualité. Marseille n’est pas comme ailleurs. Une nation à elle toute seule, pour sûr. Un exemple à suivre pour l’Etat ? En tous les cas un exemple des limites de la recentralisation sarkozyste actuelle où tous les pouvoirs seraient de nouveau dévolus à Paris. Impossible ici… Guérini à raison de le marteler.

Alors même que les lois de décentralisation nationales furent pensées et établies par un ministre marseillais de l’intérieur, en 1983. Il s’appelait Gaston Defferre. Il était maire de Marseille et il savait de quoi il en retournait. Trop peut-être…

L’histoire ne se répète pas, c’est faux. Elle évolue, certes, et se nourrit de son propre fruit. L’homme reproduit, en revanche, ce qu’il est. Un article de La Provence, daté du dimanche 8 novembre, intitulé « ces quartiers marseillais qui réclament un nom » démontre cet attachement phocéen résolu, intrinsèque, viscéral, pour nommer où il vit.

Marseille veut ses quartiers, officiellement !
Ces quartiers sont si nombreux que « Marseille, un autre regard » pourrait, à cloche pied, vous proposer une traversée de Marseille, d’Ouest en Est, en ne parcourant que des quartiers qui, en l’absence de mise à jour officielle, bénéficient d’une autre appellation que celle qui nous apparaît d’évidence.

Le pot aux roses a été révélé après que des habitants du Panier, quartier officiellement dénommé « grands-carmes », se sont réunis, place du Refuge, pour manifester leur mécontentement face à cet imbroglio patrimonial et le manque de reconnaissance nationale.

Précisons que les noms des quartiers et leurs découpages remontent à un décret d’après-guerre de 1948 où l’on évoque la division du territoire communal en 16 arrondissements et 111 quartiers, ni plus ni moins.

Ainsi, n’existent plus selon la république les quartiers du Bois Luzy, de Borelly, de la Bourse, de Callelongue, des Catalans, de la Grotte Rolland, de Longchamp, de Luminy, de la Madrague, de Malmousque, de Marseilleveyre, de la Plaine et du Cours Julien, de la Porte d’Aix, du Prado, des Réformés, du Roy d’Espagne, de la Savine, du Vallon des Auffes, du Vieux Port … Or,  Marseille n’est que l’addition de ces quartiers. Jean-Noël Guérini, l’enfant des Catalans et du Panier le savait, Jean-Claude Gaudin, issu d’une autre histoire, plus sudiste et traditionnelle, aussi.

Nous voilà bien au cœur d’une pyramide inversée, où plus le pouvoir semble s’éloigner du citoyen, plus le citoyen se raccroche à son extrême identité, celle qu’il partage au quotidien : son voisin, son quartier, sa vie concrète, son appartenance à un lieu. Loin, très loin, d’un débat identitaire national. Marseille, une fois de plus, fait figure de résistance. Marseille demeure rebelle, c’est heureux…

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